Retrouver la confiance ?

Publié le par sauvonstdf

Les pratiques  de nos dirigeants n'encouragent pas à la confiance et au dépassement de soi. Tandis qu'on demande à tous de se serrer la ceinture pendant deux ans, c'est la valse des primes, indemnités, grosses voitures. Je ne crois pas qu'il s'agisse de cynisme, juste des habitudes d'hyper valorisation d'une élite par les actionnaires afin d'éviter les états d'âme et les questions dérangeantes face aux dogmes financiers des actionnaires obsédés par la "création de valeur" et qui oublient que pour créer de la valeur, il faut travailler et motiver tous les salariés.

Le projet cap numérique, technocratique à souhait, appliqué à la hussarde sans tenir compte de la culture de l'entreprise, montre aujourd'hui ses limites, il est inutile de se voiler la face. La seule façon de sortir par le haut de la crise est d'y associer tous les salariés, en faisant un état des lieux lucide, en ayant une vision de TDF à moyen et long terme et en se donnant de vrais moyens pour travailler. Ces conditions ne sont pas réunies aujourd'hui, mais pourraient l'être rapidement avec une prise de conscience de nos actionnaires et dirigeants. Avec la crise, tout le monde doit s'adapter, messieurs nos dirigeants, vous aimez à vanter les mérites du changement, alors faites comme les salariés de TDF, remettez vous en cause, changez, et adaptez vous aux réalités, tout le monde y gagnera. 

Pour alimenter la réflexion, voici un article de Michela Marzano, philosophe, professeur des universités à Paris-Descartes, publié dans le journal le monde hier:

 

"Voilà quinze ans, dans un livre consacré à la "société de confiance", Alain Peyrefitte, pourtant ancien ministre du général de Gaulle, nous vantait les mérites des modèles anglo-saxons, affirmant notamment qu'ils permettaient à chacun de se dépasser constamment dans des "entreprises risquées mais rationnelles".

 

Ces dernières années, les élites françaises ont cherché sans relâche à promouvoir ce modèle idéal de "confiance compétitive". Il fallait "être performant" et "ne jamais se soucier des autres". La confiance n'était plus synonyme que de "self estime". L'une des raisons du succès de Nicolas Sarkozy, en 2007, a été justement sa capacité à mobiliser les électeurs autour de l'idée de réussite personnelle.

 

Le fameux "travailler plus pour gagner plus". Pour quel résultat ? La crise a mis à jour les contradictions d'un tel discours. Elle a montré les limites d'un volontarisme à outrance. Les manifestations récentes contre la réforme des retraites ne sont pas, on le sait, une simple protestation contre un allongement de quelques années de cotisation mais aussi le symptôme d'une grande déception et d'un grand désarroi. Peut-on se limiter à croire, comme un Claude Bébéar, que les citoyens ne seraient descendus en masse dans la rue que parce qu'ils "dénigrent le travail, se disent fatigués et aspirent aux congés et à la retraite" (Le Monde du 1er novembre) ?

 

Une chose est sûre. La fatigue française est bien réelle. Mais elle n'est pas une propriété intrinsèque du "Français-paresseux-par-nature" comme voudraient le faire croire certaines élites, se berçant de telles niaiseries pour éviter de se remettre en cause. La fatigue actuelle est le résultat d'une longue suite de contes de fée et de mensonges auxquels les citoyens avaient fini par adhérer et dont ils découvrent depuis peu l'inanité.

 

Ce peuple qui, depuis 1789 et 1848, n'avait cessé d'opposer aux puissants du monde le rire moqueur de Gavroche, s'était progressivement laissé convaincre par les sirènes d'un certain management. Il avait accepté l'idée qu'il suffisait de croire "en soi-même" et de ne jamais compter sur les autres pour réussir sa vie. La société se partageait entre les "winners" et les "loosers", entre ceux qui croyaient n'avoir besoin de rien, ni de personne, et ceux qui avaient la faiblesse de croire aux autres.

 

La crise a eu le mérite de montrer qu'il ne suffit pas de "vouloir pour pouvoir" et que, sans coopération et solidarité, "notre monde peut être un enfer", comme le disait déjà Hannah Arendt. Tous les jours, dans les entreprises, ils sont des milliers à le vivre dans leur chair. Pas besoin d'aller chercher des exemples dramatiques chez France Télécom ou Renault.

 

EXEMPLARITÉ

 

Prenons ce salarié qui, à l'approche de la cinquantaine, et après s'être voué à son travail en essayant d'être toujours "flexible", se voit remercié car "trop coûteux". Ou ces seniors qui connaissent un véritable parcours du combattant, se traînant d'entretien en entretien, à la recherche d'un nouvel emploi. Qui dit que ces Français ne veulent pas travailler ? Qui croit qu'ils dénigrent le travail ? Ne voudraient-ils pas simplement une société plus juste ?

 

Globalisation et mutation technologique poussent certes au changement. Mais elles ne poussent pas nécessairement aux dérives oligarchiques et au cynisme triomphant. Une société plus juste est toujours possible. Elle est même la condition du retour de la confiance en l'avenir. Elle passe par le refus de cette fausse "société de confiance" vantée par l'idéologie néolibérale moribonde.

 

Il faut retrouver le chemin de la coopération et de la confiance mutuelle. Mais cette confiance-là ne se décrète pas. Pour qu'elle puisse surgir à nouveau dans ce pays et se développer, elle doit pouvoir s'appuyer sur des preuves tangibles. Pas de confiance sans fiabilité. Or, c'est là que le bât blesse. Tout ce qui manque à nos élites, aujourd'hui, c'est d'être fiable. On dira que ce propos est "populiste". L'accusation est commode. Jugeons sur actes. Les chefs d'entreprise, les politiques, les médias parlent d'exemplarité. Mais ce sont toujours, comme par hasard, les autres qui doivent être exemplaires. Pas ceux qui demandent des efforts. Pis. En France, un grand manager est désigné comme "courageux" lorsqu'il taille dans ses effectifs, tandis qu'il négocie âprement, et parfois en douce, ses stocks options et sa retraite chapeau.

 

Le pouvoir politique n'est pas en reste. Les ministres sarkozystes susurrent à l'oreille des Français la petite musique des "sacrifices nécessaires et partagés" pendant qu'ils redonnent à Mme Bettencourt et à ses semblables des millions d'euros au titre du bouclier fiscal. On pourrait multiplier à l'envi les preuves de ce double discours. Comment s'étonner que les Français doutent de la fiabilité de ceux en qui ils sont censés placer leur confiance ? C'est là que réside, en profondeur, le malaise du pays.

 

En a-t-il toujours été ainsi ? Les esprits cyniques tentent de s'en convaincre. Sans doute n'est-il pas aisé de demander à ceux qui nous gouvernent de ressembler aux vrais héros de l'Antiquité, toujours prêts à se sacrifier eux-mêmes avant de demander le sacrifice des autres. Mais il est des modèles plus réalistes. En 1940, les Anglais savaient bien qu'en leur proposant du "sang et des larmes", Churchill prendrait sa part de l'effort et qu'il n'irait pas se prélasser sur un yacht ou dans un paradis fiscal… A la même époque, les élites françaises de la "drôle de guerre" donnaient, elles, la triste image de pantins désabusés et insouciants, comme l'avait souligné Marc Bloch dans L'étrange défaite (Gallimard, 1990). En va-t-il si différemment aujourd'hui ?

 

Cette crise étrange, qui frappe l'économie réelle mais épargne les profits de la finance, empêche probablement les plus fortunés de bien en saisir les enjeux. Les élites de cette "drôle de crise" sont un peu comme les élites de la "drôle de guerre". Elles se trompent de diagnostic. Souhaitons qu'elles sortent vite de leurs illusions pour reconquérir la confiance des Français et croire en un avenir commun."

 

Michela Marzano, philosophe, professeur des universités à Paris-Descartes

Article paru dans l'édition du 06.11.10

 

Publié dans Sauvons TDF

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U
<br /> <br /> La lutte des classes va-t-elle s' engager à TDF si des disparités de traitement apparaissent entre les différents couches de l' entreprise ???<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Non, mais ça démotive sérieusement... <br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Petite leçon de sociologie politique avec les sociologues Michel et Monique Pinçot-charlot, autour du livre "le Président des riches" .<br /> <br /> <br /> Lien de la video:<br /> <br /> <br /> http://www.contretemps.eu/interviews/que-faire-riches<br /> <br /> <br /> Je ne  me lasse pas d'entendre les 2 sociologues disserter sur la solidarité  des classes possédantes face à l'individualisme (borné ??) des classes moyennes et populaires....<br /> <br /> <br /> Leur livre  ? un cadeau à offrir  pour les fêtes de Noel  !<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Ils sont vraiment extraordinaires, ce couple de sociologues a fait un travail étonnant, en montrant d'ailleurs que l'efficacité des classes aisées tient en grande partie à la solidarité de leur<br /> classe sociale...<br /> <br /> <br /> Rien à voir, mais à lire "après le démocratie" d'Emmanuel Todd une belle analyse du système et de vraies solutions<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Rester ( et non mourir) ou partir, le choix a fait chauffer bien des méninges. Ce dilemme a été la seule option aprés l' accord du PDV. Rien ne sert de ruminer sans cesse, même s'il ne faut<br /> surtout pas oublier. Toujours est-il que maintenant, la force de dire NON est à reconstruire. La piquette, non merci...<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> "Mourir ou partir ,  choisir  , il fallait.. mais  le vin ,tiré , jusqu'à la lie tu boiras.. disait maitre yoda  (épisode 9 , jamais tourné)<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Exactement, mais je refuse de boire la piquette de l'empire <br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Les actionnaires et patrons ne sont-ils finalement pas prise au piège par la course au profit ? La crise devrait en effet ralentir la consommation, et donc baisser le chiffre d' affaire de bien<br /> d' entreprises. Dans ces conditions les licenciements ne peuvent garantir une solution durable au niveau de la société entière, mais seulement une vue à court terme de gestion comptable interne<br /> .Les écarts de richesse risquent de creer des tensions bien normales, car quelle injustice quand des riches pour pouvoir maintenir leur haut niveau de vie( parfois à crédit) n' hésitent pas à<br /> mettre des salariés méritant au chomage, donc dans la précarité( car ces salariés ont aussi des crédits).....En tout cas, à TDF,soyons vigilant en souvenir de nos collègues partis et pour<br /> défendre notre qualité de travail.<br /> <br /> <br /> <br />
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