Capitalisme obscène
De Frédéric Lordon, une superbe analyse à lire:
Le point de fusion des retraites
Extrait:
"Voilà donc la finance sanctuarisée dans tous ses compartiments et au moment précis où tout devrait conduire à l’arraisonner brutalement : la finance des produits de taux – celle des subprimes et des dérivés de crédit… – qu’il deviendra « impensable » de réguler puisque réguler (sérieusement) c’est attaquer la rentabilité, et la finance actionnariale, pour les mêmes raisons génériques, mais avec pour particularité que cette finance-là, vivant sur le dos des entreprises, fait directement ses profits par la productivité des salariés, donc très concrètement par l’intensification sans limite de leur travail et la compression continue de leurs salaires. Si lointaine qu’elle semble parfois – le fonds de private equity est à New York ou le fonds de pension à Los Angeles quand l’entreprise est en Haute-Savoie – la finance actionnariale n’en est pas moins celle que les salariés ont à connaître de plus près parce qu’elle est celle qui pèse le plus directement sur leurs conditions d’existence. Celle-là à son tour devient intouchable. Et si, contre toutes les absences du commentaire médiatique ordinaire, il faut sans cesse rappeler ce que doit par exemple le triste destin des salariés de France Télécom à la privatisation, c’est-à-dire au passage sous logique actionnariale, il faut aussi imaginer ce proche avenir dans lequel les « rationalisateurs » n’offriront plus le visage grimaçant des mercenaires de la « création de valeur pour l’actionnaire » mais pleurnicheront d’humanisme que tous ces sacrifices, sans doute bien douloureux, n’ont pas d’autre sens que le devoir sacré des retraites maison à verser – et bientôt peut-être d’en appeler à la « solidarité », puisque le capitalisme n’a jamais fait l’économie d’une obscénité."
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